
Je travaille comme père de famille dans une startup gérée par deux petits garnements. J’ai droit à mes cinq bisous d’amour-de-poche par semaine, un peu plus quand j’ai sorti le chien. Bref, ça file droit pour moi. J’ai cinq semaines de bêtises-payées en moyenne et une bonne assurance cœur brisé. Je ne me plains pas ; J’ai l’amour un peu bourgeois, l’exigence du câlin bien fait, j’ai le sens du mérite, quoi, ce sens du devoir qu’avaient nos ancêtres quand ils nourrissaient eux-mêmes leurs bêtes, et connaissaient de chacune le prénom et la particularité. Notre chiffre d’affaires est tout à fait honnête, si on le compare au cours du marché de la tendresse. Toutefois la crise est bien là, même pour un micro-entreprenariat comme le mien ; les matières-premières pour le cœur sont de plus en plus rares ; leur acheminement de plus en plus complexe ; leurs fournisseurs, de plus en plus loin ; et mon patronat met chaque jour un peu plus la pression sur les résultats ; je les suspecte parfois de profiter de mon perfectionnisme et de mon souci pour les caresses qui tombent justes, pour s’en mettre un peu de côté, l’air de rien ; un câlin de plus par-ci, un par-là, et c’est toute la comptabilité du mois à refaire… J’ai même eu un.e de mes employeur.ses, une fois, qui m’a demandé de lui compter ses frites sur un classeur excel. Si plus tard vous devez tomber sur lui.elle, je vous conseille avant tout de ne pas signer de contrat, de bien réfléchir avant de dire oui, je le veux, ou ce genre de connerie… Comment faire ? C’est facile, vous la.le reconnaîtrez de loin : il.elle a un grand cœur avec écrit « je t’aime à l’infini » dessus.