Ibid – Jean FAVRE

Drame en 3 actes, 6 personnages

Synopsis

Deux sœurs tentent chaque jour depuis dix ans de se sortir de leur misère. Quand, venant de se faire expulser de chez elles, la plus âgée tombe sur une petite annonce matrimoniale, et décide en dernier recours de vendre sa petite sœur qu’elle a éduquée depuis sa naissance à un riche vieillard, propriétaire d’un manoir au bord de la mer.

Elle dit « On le plumera jusqu’à zéro. Il n’aura rien à dire ! » Elle prend les derniers kopecks qui lui restent et achète deux robes, deux rouge à lèvres et des chaussures à talon. Elle prend sa protégée par la main, la traîne jusqu’au train, la traîne jusqu’à la forêt, la traîne jusqu’à la mer, et entre sur scène en disant : « Qui nous remboursera, pour la merde, pour la tristesse, pour maman ? – Un peu à nous maintenant. Putain ! »

Alors elle regarde autour d’elle, puis elle parle de moins en moins fort, puis de moins en moins fort ; autour d’elle, des gardiens font des rondes, des hommes se cachent et mènent des intrigues secrètes ; jusqu’à ce qu’Absinth, un vieillard, riche propriétaire d’un manoir au bord de la mer, sorte soudain d’un buisson épineux, assis par terre, le dos contre un arbre, qu’il dit ne rien savoir de l’affaire, et affiche une certaine tendance à la mendicité. Alors que celui-ci leur dit tout à coup « Oui, parlez-moi de votre mère, cela me réchauffera. », elle se demande : « Où sommes nous, qui sont-ils, où allons-nous ? »

Sujet

Ibid, comme une pastorale moderne, met en scène des personnages qui tous revendiquent, crient beaucoup et s’activent dans tous les sens ; perpétuels insatisfaits de leur sort, ils œuvrent chacun pour une issue libératrice. A travers eux, à travers leur rencontre, deux intrigues se chevauchent bientôt : celle d’une lutte acharnée contre le quotidien, et celle du temps qui les dévore. C’est la rencontre de deux mondes que tout oppose ; le particulier allant à l’universel, l’universel allant au particulier, pour se rejoindre en court de route, et comprendre au dénouement qu’ils représentent en fait chacun la même chose.

De la confrontation de ces deux mondes, naît une espèce d’harmonie : un espace indéfini les sépare qui leur sert de frontière. Ils s’en écartent tantôt, s’en rapprochent ; ils s’injurient. Comme coincé entre deux pôles d’un aimant qui se repoussent, apparaît alors Barky, personnage paradoxal et torturé, jetant des liens tout autour de lui, afin de se rattacher à l’un de ces mondes, sinon aux deux. Personnage obscur de la pièce, il se révèle véritablement comme étant au centre de l’action. Le phare de la trame. Parce qu’il va créer un compromis entre tous les enjeux des personnages ; se servant des mots pour y parvenir, seulement des mots, les mots étant en fait, plus que son unique arme, son unique moyen de prouver qu’il existe.

Ibid retrace le trajet d’une harmonie litigieuse ; celle de l’indécis ; celle de la mouette qui pêche dans l’océan et qui a son nid sur terre ; le personnage qui est là pour lier les deux mondes, apprécier leur distance, en même temps indépendant et dépendant des deux, comme un pont lancé entre l’un et l’autre au-dessus du gouffre qui les sépare. Une histoire de commerce, réduisant chaque émotion et chaque geste à une valeur marchande. Des individus à vendre, mis en hypothèque, qui à cause d’un appel lointain venu du dehors osent sortir de leur magasin, de leur vitrine, et apprennent à vivre en remboursant leurs dettes, à se racheter.

Production

Créé du 22 novembre au 31 décembre 2000 à l’Aktéon Théâtre (Paris) par la troupe Le Coatl méridien: