Ah ! Qu’ils ont l’allure fière,
Les chercheurs de mots !
Avec leur casque clos
Et leurs lunettes claires
Ils montent en leur cœur
Tels des aviateurs
Saluent l’azur
D’un geste sûr
Ils ont posé à terre
Leur parachute et les paratonnerres ;
Là où ils vont ils ne serviraient à rien :
Leurs sentiments seront trop haut, trop loin,
Et on ne peut pas survivre, quand le cœur explose.
Pilotes de l’extrême, voilà les fous explorateurs !
Ils s’installent aux commandes de leur cœur
Un stylo-plume en guise de gouvernail
Ils referment avec fougue leur cockpit de ferraille
Les muses les guettent depuis leur tour
Elles ont le regard sombre de celui qui sait
Qu’à la moindre infidélité
Ils n’auront pas assez d’encre
Pour faire demi-tour
Sur leur casque ce n’est pas marqué
Maverick ni Icemen,
Mais Hugo, Musset
Et puis Verlaine
Dans leur vestiaire ils ont collé les photos
De Lamartine ou d’Appolinaire
Les récentes héroïnes et tous leurs prédécé-soeurs
Qui ont un jour ouvert l’étau
Des limites du ciel et puis du cœur
Voilà ! On les voit qui démarrent leurs entrailles
L’hélice vrombit depuis leur poitrail
Leurs yeux, leur nez, leur bouche et tous leurs sens
Le musc de sur leur peau et leurs oreilles en transe
Rompent bientôt
Les freins tenaces de leur égo
La soif de leur cœur d’aller s’éprendre
Tourne à présent tellement vite sur la calandre
Que, pour notre œil de mortel myope
Habitué aux pauvres amourettes,
Leur pouls stromboscope
Semble désormais battre en sens inverse
Ils s’envolent
Un rêve les aspire
Ça y est !
Ils partent tester du cœur les limites
Veulent connaître l’odeur des passions sublimes
Aller là où l’amour n’est pas encore allé
Tout au bord des ruptures
Faire trembler les boulons de l’éternité
Heureusement qu’ils sont là
Ces poètes·ses d’essai
Pour faire sortir leur tripe
A nos sentiments
Risquer d’aller regarder dedans
Si parmi tous les nerfs et les tourments
Un bout de liberté subsiste
Ils ont fait le vœu de goûter pour vous
Tous les piments, et les icebergs, de la terre
Mais aussi les arômes les plus doux
Ceux d’un reflet, d’une fleur
Du clair d’un rocher que la rosée effleure
Ont pour seule raison
L’intense et l’extraordinaire,
Pour seule mission
Toucher du doigt la frontière ténue
Où les émotions s’arrêtent
Et cèdent la place
Aux braises
Certains filent direct en l’air
D’autres préfèrent
Raser au plus près de la terre
Mais tous regardent l’azur
comme une pâture
et saluent l’univers
comme un frère
Ils sont partis trop haut
Désormais
Leur carlingue
Tombe en vrille
Du jus d’étoile
S’écoule
De leurs doigts
Leur cœur aux abois
Redémarre, se redresse
On ne s’écrase pas
Quand on a pour seul ami
Le ciel
Heureusement qu’ils sont là
Sans eux on ne connaîtrait pas
Le beau, le trouble, le pur et l’impur
Sans eux on ne saurait pas
Que l’émotion est une sonde
Qui révèle tous les mystères
Ils ont exploré pour nous
Dans les sentiments
Ce qu’il y a au bout, à la limite,
Parce qu’il y a des choses de nous
Que même l’inconscient ne sait connaître
Et quand ils reviennent sur terre
Les yeux pleins de suie, les sourcils noircis,
Ils redescendent de leur cockpit,
Le cœur fumant encore
De s’être fait
Tant brûler, cramer,
Consumer encore ;
Ils tanguent sur leurs pieds
En redécouvrant le sol
Dont ils ne ressentiront plus jamais
Le morne alcool
Alors, tandis que redescend sur eux l’air chaud,
Ils ressortent de leur vieux manteau
Quelques mots calcinés
Qu’ils ont notés
Quand ils ont franchi le mur du beau