Ecrire

Au commencement c’est un rythme
Une langue ensuite
Une musique qui arrive peu à peu
Alors seulement la lumière se fait
Et révèle l’image
De tes yeux

Aux microsillons fragiles
Ils vibrent sur les remous
Disparaissent ensuite
S’évaporent en vapeur de braise
Ont-ils vu ? Ont-ils lu un peu ?
Ils ont brûlé surtout
Et sentent encore
Sur leur lèvre
Le goût délicieux
De l’empreinte
Que la faim a dessinée sur eux

Jean Favre

J’ai le sentiment n’importe quoi

Je vous préviens, j’ai le sentiment facile Il est chargé, il hésitera pas à tirer Alors ne vous approchez pas C’est vraiment n’importe quoi Même que des fois il part tout seul Ça lui est déjà arrivé Alors vous mettez pas trop prêts Restez à l’écart, y vaudrait mieux pas qu’il vous voit Le cranLire la suite « J’ai le sentiment n’importe quoi »

C’est une synapse

C’est une synapse que je fais rarement vibrer
Elle est, des autres, assez éloignée
Elle a préféré laisser la place à leur symphonie
Se mettre à l’écart de leurs moqueries
Des qu’en dira-t-on et de tous ces vilains mots
Qui circulent parfois dans le reste de mon cerveau

Elle reste depuis blottie dans son coin
A l’abri des étincelles et de ces connexions
Que les synapses d’habitude aiment faire
Elle soigne sa différence
Loin de leur exubérance
On est toujours un peu discrète
Quand, à ses douleurs, on n’a pas d’interprète

C’est une synapse dont je joue rarement.
Comme elle, je préfère celles qui vivent l’instant,
Celles qui crient, celles qui rient
Elle est de celles qui aiment mieux rester transparent
Et laisse volontiers sa place au vacarme et au bruit
Plutôt que d’entendre qui pleurent ses propres tourments

C’est une synapse que j’ai préféré ignorer
Tant elle est sauvage, craintive et frêle
Nous avons tous en nous une synapse rebelle
La mienne s’est isolée des guillemets
Pour mieux entendre tes pas s’ils venaient
Car il n’y a que toi et tes caresses qui savez,
Dans ce fourbi qu’est ma poitrine, où la trouver.

C’est une synapse que je n’ose plus chatouiller
Elle ne veut plus voir le moindre sentiment
Elle sait maintenant qu’il est des étincelles qui tuent
Si, comme elle, on les ignore trop longtemps
Elle ne regrette même plus de s’être tue
Quand mes nerfs l’informaient que tu passais devant elle
Ses émotions sont désormais un combat de boxe
Depuis qu’elle te connaît, elle se tait en désintox.

Quand parfois dans la nuit les autres se taisent
Elle rêve qu’il existe une photosynthèse
Qui saurait t’amener près d’elle,
Qui te ferait entendre ses plus jolis murmures,
Toutes ces fleurs fragiles en elle
Que par timidité, elle n’a jamais osé cueillir

C’est une synapse que je fais rarement sonner
Elle a la voix des anges, la corde fine d’une épine
En la jouant, on aurait peur de la casser
C’est qu’elle est un peu comme moi,
Elle se terre dans ma poitrine
Et n’ose sortir que quand elle te voit
Tes yeux sont les seuls à avoir deviné qu’elle est là
Seules tes caresses savent en jouer
Il n’y a qu’elles pour la faire vibrer sans la casser