Le théâtre de la nature est encore fermé au printemps
A l’intérieur on entend quelques chants d’oiseaux
Des grenouilles accordent leurs cordes, un écureuil s’entraîne
Premiers bruits d’été
en répétition pour le jour du spectacle
Pour quand l’amour aura enfin fini de manger ses pâtes
Qu’il pourra enfin se lever,
en bon metteur en scène, alors il dira « bon c’est pas tout ça ! »
Alors il terminera d’essuyer le ketchup sur ses lèvres,
reposera d’un geste résolu sa serviette sur la table d’hiver
s’étirera de façon pas très discrète
remettra ses cheveux sur le côté, éclaircira sa voix de vieux bourgeois
Un jour, demain, en juin peut-être
il pourra enfin reprendre sa baguette de chef d’orchestre
Sur la scène le soleil a raté son entrée
Il faudra retravailler
Il ne connaît pas encore très bien son texte
Parle fort quand il faut murmurer
Se tait quand il faudrait parler
On répète bientôt la scène principale
C’est ce moment dans la pièce
Où tout le monde doit chanter
En même temps
Si chacun pour l’instant s’est exercé
a plutôt même réussi son petit monologue
il est beaucoup plus difficile de faire beauté ensemble
c’est donc la cacophonie, comme on s’y attendait
le bordel du printemps
on ne sait pas pourquoi les bourgeons se mettent à hurler
les chiennes aboient, les moineaux crissent
le climat s’inquiète, on ne sera jamais prêt pour juillet
quand soudain entre la petite fille, tout le monde se tait
la promesse de son sourire met tout le monde d’accord
elle est sublime dans sa robe de printemps
Elle dit chut aux instruments mal accordés
En attendant le chef d’orchestre, elle est bien obligée
Le soleil un peu honteux de s’être trompé la regarde bouche-bée
Elle a un bijou cassé à la boutonnière
Sert les dents
Bouge les pieds
Tient une toute petite fleur à la main
Une grande tige qui vient du cœur